mardi 21 avril 2015

Grève prolongée des enseignants : Les écoliers entre espoir et inquiétude

L'actuelle crise du système éducatif a fini d'installer une grande inquiétude au sein de l'école  sénégalaise. Au niveau de certaines écoles visitées, les acteurs de l’éducation restent sceptiques par rapport à l’avenir de l’année scolaire, perturbée par le bras de fer qui oppose l’Etat du Sénégal et le Grand cadre du syndicat des enseignants. Toutefois, les potaches en classe d’examens croient toujours à une solution définitive de cette crise pour  pouvoir décrocher leurs sésames.

A l’école élémentaire de l’Unité 26 des Parcelles Assainies. En cette matinée de lundi, début de semaine, les cris des élèves  interpellant leur maître pour aller au tableau, qui s’échappent des classes animent la cour de l’école. Au milieu de celle-ci dort tranquillement le gardien, à quelques mètres du bureau du directeur. «Ce qu’ils disent à la population n’est pas toujours la réalité. Pour débloquer la situation, il faut un dialogue sérieux avec les enseignants », dit cet enseignant, trouvé à quelques de la direction. Pour lui, la source des problèmes c’est que l’Etat signe des accords sans les respecter. « L’année n’est pas perdue, il suffit juste encore des efforts des deux parties pour aller vers un plan de rattrapage afin de terminer les programmes et pouvoir faire les examens », ajoute cet enseignant, qui dit être optimiste d’une issue heureuse. Toutefois, il a une pensée aux jeunes écoliers. « Tôt ou tard, il y aura un terrain d’entente. Mais les écoliers vont en pâtir avec la pression à l’approche des examens et le surcharge de cours. Il y aura des heures supplémentaires avec des cours les week-ends et les lundis et mercredi qui vont nous permettre de combler le gap », explique-t-il, tout en précisant qu’un accord signé doit être respecté. Par rapport à ce débat, souligne le directeur de l’école de l’Unité 26 des Parcelles Assainies, Jacques Diouf, les gens oublient souvent que c’est le droit des élèves d’aller à l’école qui est bafoué. « L’Etat ne respecte pas ce droit de l’enfant d’aller à l’école. Encore moins les syndicalistes. Donc, avec ces grèves, il y a une réelle menace sur le droit de l’enfant. Nous sommes à un niveau où les intérêts des deux parties ne se soucient plus de ce droit de l’enfant. Or, celui-ci est au-dessus de tout intérêt », soutient M. Diouf.
Responsabilité
Selon lui, cette situation s’explique par la démission et de l’absence de volonté des parents. Il dénonce le mutisme de ces derniers qui ont un rôle à jouer dans cette crise. « Ils sont interpellés ! Les parents ne jouent plus leur rôle. Il devrait y avoir une association de parents d’élèves forte, voire une troisième force pour contrebalancer les intérêts des uns et des autres. Celle-ci doit être une troisième force à la situation actuelle, une interface entre le gouvernement et les syndicats d’enseignants. Pourquoi pas même un mouvement syndical des parents d’élèves qui défendra ces écoliers laissé à eux –mêmes ? », s’interroge Jacques Diouf. Dans cette commune des Parcelles Assainies, cette école élémentaire, si l’on en croit à M. Diouf, est l’une des celles qui cherchent une alternative à ces grèves répétitives. Pour lui, il faut développer ce qu’il appelle les ‘’répétiteurs communautaires’’. « C’est un engagement citoyen qu’ont compris les jeunes. Ils ont adhéré à ce projet qui est une contribution communautaire, qui vient en appoint à l’Etat. C’est ce qui nous manque. Ce sont des jeunes du quartier avec un bon niveau qui viennent encadrer les enfants les lundis, mercredi et les week-ends. Avec ce système, les enfants font de bons résultats, en plus de se rattraper du temps perdu avec la grève», affirme-t-il.
« Je suis solidaire avec mes élèves »
Au ‘’Cem 19’’, collège d’enseignement moyen de la même commune, une bonne ambiance règne dans la cour de l’école. Des fenêtres, on aperçoit des enseignants qui défilent au milieu des élèves. Seuls quelques écoliers sont dans la cours dudit Cem. A quelques mètres de la direction, le bruit de quelques élèves et un professeur de Mathématique, qui discutent donnent vie à l’établissement. Même s’il reconnait que le combat des enseignants est légitime, MS, un prof de Math dit être solidaire avec ces élèves. Car, estime-t-il, les écoliers ne doivent pas être sacrifiés. « L’Etat et les syndicats doivent arrêter ce +jeu+’ dangereux. Ils trouveront des solutions tardives et les élèves seront confrontés à des difficultés avec les pressions de rattrapage pour finir le programme alors qu’ils devraient », prêche  le professeur dans la cour du collège, un sac et portable à la main. «Je suis solidaire avec mes élèves en classes d’examen. Avec eux, je fais cours régulièrement. Je l’ai clairement dit à mes camarades du syndicat.  A cette période de l’année scolaire, la grève n’a pas sa raison d’être. Il faut penser aux innocents écoliers », ajoute celui que les élèves appellent affectueusement ‘’Papa’’.
Dans ce collège d’enseignement moyen, plus connu sous le nom de « Cem19 »,  les élèves sont aux préparatifs de leurs journées culturelles. A quelques mètres de la direction de l’établissement, des élèves de 3e comme Moustapha Ndiaye et ses camarades discutent de tout et de rien. Ces jeunes sont inquiets de cette grève qui n’a pas encore dit son dernier. « Nous allons vers des examens mais nous ne sommes même pas à la moitié du  programme. Ça va faire mal. L’Etat doit faire des efforts, nous en souffrons. Nous sommes des jeunes, nous ne voulons qu’étudier », argue Moustapha Ndiaye, candidat au Bfem. Pour Mamadou Sadio Diallo, son camarade de classe, malgré ce bras de fer, une solution sera trouvée. « La grève nous pénalise et nous savons que les examens auront lieu. Seulement, nous en payerons les pots cassés. On reviendra, on nous mettra de la pression. Les cours seront bâclés. On ne peut pas terminer un programme en deux mois. Il faut avoir tous les bagages qu’ils faut pour aller à l’assaut du Bfem », fait constater le jeune Diallo. « A cette période, dit-il, nous devrions réviser nos leçons. Or, nous ne faisons les cours que les lundis et les samedis. Nous avons initié des travaux de groupes pour anticiper l’examen. Mais j’avoue que ce n’est pas facile, parce que rien ne remplace l’explication du professeur. On nous parle même d’un examen blanc début mai. Je ne sais pas comment celui qui ne fait pas de cours peut faire un examen », se demande-t-il. Diallo de préciser qu’ils en sont à trois leçons pour le cour des Sciences de la vie et de la Terre(Svt) et six leçons en Histoire et géographie. « C’est pénible pour nous. Nous n’avons pas les moyens pour nous inscrire dans les écoles privées. Les deux parties ne soucient pas de notre situation  parce que leurs enfants sont soit à l’étranger  soit dans les établissement privées », dit-il avec regret. Une autre élève de la même école semble partager l’avis de ces jeunes. Pour Marème Ndiaye en classe de 3e D, il urge de trouver des solutions. « Nous en avons besoin. Ils doivent penser à nous. Ils ont entre leurs mains l’avenir des milliers d’écoliers. Il faut nous éviter, dit-elle, de cette année blanche qui se profile». A quelques mètres du Cem, sur la route menant vers le marché Dior, les parents d’élèves interpellés sur la question disent être inquiets en tant parent d’élèves. « C’est un peu dur pour nous parents. Non seulement, nous dépensons beaucoup pour nos enfants, mais c’est leur avenir qui est en jeux. Les parties doivent arrondir les angles pour une issue heureuse de la situation », a lancé une mère de famille sous l’anonymat.


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